Alors que le cirque vient de s’installer à Marseille, le dompteur Hildeberg est retrouvé mort, les morceaux de son cadavre dispersés dans les trois cages des tigres. Un indice supplémentaire : la trace d’un objet cylindrique planté dans la glotte. Le directeur, Raoul Babinetti, demande à son vieil ami Dachi El Ahmed de mener discrètement l’enquête, en se faisant passer pour un charmeur de cobra. Mais parmi tous les artistes, nombreux sont ceux qui en avaient après le défunt…

Voilà un ouvrage qui n’engendre pas la mélancolie. Michel Maisonneuve donne le ton dès les premières pages : ça sera décomplexé, coloré et vibrionnant. On se retrouve ainsi avec une pléiade de personnages truculents dont, à la manière d’un bon vieux whodunit, chacun peut être le coupable. Giuletta Pantaleoni, la sulfureuse épouse du chef du cirque. Raoul, homme-canon au caractère bien trempé. Mitchum, ainsi surnommé en raison de sa ressemblance avec l’acteur, illusionniste et lâchant souvent des citations de Shakespeare et de Baudelaire. Perle de Rosée en Jade Précieux, la belle acrobate asiatique. Alice, jeune fille capable de faire du trapèze, de tirer les cartes ou de dresser des criquets. Bibi le clown. Miléna, la belle écuyère. Et c’est également sans compter sur des protagonistes extérieurs à cet univers circassien comme un policier ou un journaliste. Le ton est alerte, les chapitres courts et vifs, et l’humour omniprésent. On se régale des situations, burlesques et volontairement décalées, et des dialogues, bien poilants. Dachi est un limier amusant, adepte du soufisme et de pensées du poète Omar Khayyam, et tombant rapidement sous le charme de la magnifique Léda. L’auteur nous gratifie ainsi d’une joyeuse cocasserie de la première à la dernière page, notamment d’une scène de course-poursuite décrite à la manière d’un commentateur hippique. L’intrigue n’est pas pour autant laissée de côté et, même si elle ne marquera probablement pas longtemps les mémoires, a l’immense mérite de ne pas être plate, entre trafic de drogue, adoption, prostitution, et même une malle inspirée de l’immense Houdini qui aura toute sa place dans le dénouement.

Un roman distrayant, dont la bouffonnerie assumée ne vient pas éclipser un scénario bien bâti. C’et parallèlement un bel hommage que rend Michel Maisonneuve à un monde en déclin, celui des clowns et autres artistes nomades, des plaisirs simples et innocents. Un témoignage d’amitié teinté de nostalgie mais aussi de malice.