J’adore ce genre de littérature, un roman policier de bon cru doublé d’une trame historique.
Pascal Grand, natif de la région lyonnaise, nous livre une seconde enquête de son chirurgien-juré Antoine Léonard Toussaint (le premier opus, De sucre et de sang, se déroulait à Orléans). L’envers de la Charité, lui, nous emmène à Lyon, à la fin du XVIIIe siècle (1786). A la demande du Duc de Villeroy, Gouverneur et Lieutenant Général pour le Roy de la ville de Lyon, Antoine qui exerce, habituellement, son métier à Orléans est convié à donner des cours pratiques au collège Royal de cette ville. Il est vrai qu’il est un précurseur en son domaine puisqu’il s’occupe de chirurgie judiciaire. Laissons notre héros présenter sa profession « il s’agit bien d’une science nouvelle au carrefour de la chirurgie, de la chimie et de ce que certains appellent la criminologie et qui consiste à mettre la science du chirurgien au service de la vérité, pour rendre justice à la victime ». En d’autres termes,
Antoine inaugure le métier de médecin légiste. Le voilà, donc, en villégiature à Lyon avec sa gironde épouse Hortense. Sa renommée n’est plus à faire puisque fort de son Traité de chirurgie judiciaire qui fut un succès en librairie, on le convie, bientôt, à enquêter sur le meurtre de l’apothicaire de l’hôpital de la Charité, hôpital datant du XVIe siècle construit pour faire face à l’afflux des mendiants, au XVIIIe siècle la population s’est accrue d’ enfants orphelins, de vieillards, d’infirmes. Il faut dire que la capitale du Dauphiné draine beaucoup de monde, deuxième ville par la population du royaume en cet fin de siècle, les activités ne manquent pas, divers petits métiers, auxquelles s’ajoute les trafics liés aux différents ports sur le Rhône et la Saône. Mais ce qui fait la fierté de la cité, c’est le commerce de la soie qui emploie les fameux canuts, ouvriers de tous âges (l’emploi des enfants dans des conditions abominables y est très fréquente). Je fais cet aparté pour vous faire comprendre que cette industrie florissante est source de revenus pour certains et qui dit revenus dit cupidité. On aura vite saisi que le cœur de cette affaire touche au monde de la soie.
L’énigme ne s’annonce pas simple pour notre chirurgien-enquêteur et d’autres cadavres mettront son expertise à rude épreuve. Les appuis pour venir en aide à Antoine ne sont pas sûrs, jusqu’aux recteurs qui régissent l’hôpital de la Charité qui ont fait l’acquisition de façon détournée, par le biais de prête-noms, de terrains sur les broteaux (îles formées par l’amas des alluvions) du Rhône. Et quels sont ces mystérieux plants maraîchers qui doivent arriver à Lyon par voie fluviale en provenance de Montpellier et que tout le monde convoite ? Pour couronner le tout une bande de brigands prête à toutes les atrocités et ayant infiltré l’hôpital, menée par une cruelle jeune femme déguisée en
homme, désire aussi récupérer ces colis, pour le compte de quel commanditaire ?
Vraiment idéal ce petit roman, riche en description et explication historiques sur la cité rhodanienne et puis notre auteur fait preuve d’un grand art du suspense et rajoute, toujours à bon escient, une bûche au feu de l’intrigue. A découvrir.