Son livre « Traité de chirurgie judiciaire à l’usage des chirurgiens jurés » a connu un beau succès et en ce début 1786, Antoine Léonard Toussaint est invité à Lyon pour donner des cours sur cette science nouvelle. Son épouse Hortense est ravie de cette opportunité, car elle retrouvera son cousin, abbé de son état.
Sur place, la moindre victime est l’occasion de montrer aux étudiants son art. Le meurtre du recteur Coudurier en charge de l’apothicairerie de l’hôpital de la Charité six mois après son devancier fait grand bruit et, comme l’affaire est sensible, le magistrat de la ville confie les pleins pouvoirs à Toussaint pour la résoudre.
Dans un rôle de policier, alors qu’il est chirurgien juré, il est secondé par le commissaire Bernardin qui n’est pas d’une grande aide.

Après « De sucre et de sang » qui se déroulait à Orléans et dans lequel Antoine a rencontré Hortense, sa future épouse, et rédigeait son ouvrage à l’attention des chirurgiens jurés, Pascal Grand nous immerge à nouveau dans le passé, mais cette fois-ci dans la ville de Lyon en 1786. « L’envers de la charité » est dans la droite ligne du roman précédent et constitue la suite logique du parcours d’Antoine Léonard Toussaint.
La fierté de ce dernier l’empêche de refuser l’offre faite et le voilà investi des pleins pouvoirs dans une ville qu’il ne connaît pas et dans un rôle qui n’est pas le sien en temps normal. Et son aide ressemble plus à un lourdaud qu’à un agent des forces de l’ordre, mais à l’époque c’était bien différent d’aujourd’hui. Et ce n’est pas ce qui fait vivre, Bernardin, mais la boutique qu’il tient toujours. De même, la charge de recteur au sein de la Charité n’est pas une chose qui rapporte, mais permet d’acheter un titre et de s’élever dans la société.
Le fonctionnement de l’hôpital et de la société d’alors s’avère digne d’intérêt et source d’enrichissement personnel. À force détails et recherches, Pascal Grand donne vie à l’ensemble et du corps au théâtre des opérations. Le lecteur ne peut qu’être séduit par le dépaysement, car les méthodes diffèrent complètement et Antoine sillonne la majorité du temps la ville à pied, sans se rendre compte des risques encourus. La vie était alors dangereuse et ce facteur était intégré comme normal, partie intégrante du quotidien. Hortense va elle-même le prouver en s’attaquant à des malandrins.
Les personnages évoluent dans des eaux troubles, d’autant que beaucoup préfèrent les bénéfices à la charité, usant de leur position pour s’enrichir. La raison des meurtres des recteurs, puis d’autres personnes, n’est-elle pas justement à chercher au sein de l’hôpital ? Toussaint a-t-il vraiment les coudées franches ? Les puissants n’aiment pas être dérangés dans leurs affaires. L’enquête n’est pas aisée, les rouages sont complexes et suivre le déroulement tient quasi de la gageure, car les enjeux sont tels qu’ils attirent toutes les convoitises.
« L’envers de la charité » s’avère touffu, riche en péripéties dressant un tableau d’ensemble dont certains aspects restent dans l’ombre. En tout cas, le lecteur est ferré, lui aussi désireux de connaître le fin mot de l’histoire. Toussaint se débat comme un beau diable, oubliant souvent qu’il est un simple mortel doué d’une logique qui ne le sauvera pas toujours d’ennemis retors et violents. Son enquête lui permet de mettre en évidence les potentialités des déductions opérées à partir de scènes de crimes et d’autopsies de cadavres. La médecine légale connaît ses premiers balbutiements et Toussaint en est un beau champion.

« L’envers de la charité » se lit très bien, l’incursion dans le Lyon de 1786 est aussi agréable qu’enrichissante. Pascal Grand parvient très bien à retranscrire l’atmosphère de l’époque. Antoine Léonard Toussaint et sa charmante épouse Hortense sont d’agréable compagnie, il est facile de s’y attacher, car les deux font montre de courage et obéissent à de beaux idéaux. L’hôpital de la Charité s’apparente à une fourmilière au fonctionnement complexe qui ne cessera d’intriguer les lecteurs.
Cette seconde aventure de Toussaint recèle les mêmes qualités que la première et pas étonnant qu’une fois achevée, l’espoir de le retrouver dans le futur prédomine.
Du polar historique qui remplit parfaitement son objectif de distraire tout en instruisant sur une page du passé.