La principale piste se situe-t-elle du côté de Faïqa Khafi, la petite amie de Bruno ? La famille marocaine de la jeune femme vit à Carpentras. Le commissaire Boistôt et Wyvine tentent de modérer les tensions de la part des Khafi. Le plus jeune joue au rebelle ; l’aîné tient un garage automobile qui n’est finalement pas si suspect ; les parents sont méfiants, se sachant en position d’accusés. Faïqa témoigne de sa rencontre avec Bruno, lors d’un match de football à Marseille. Coup de foudre dans un contexte houleux, des supporters néo-nazis semant la violence en marge du match. Les policiers rencontrent aussi Brice Chamas et sa sœur Monique, anciens amis de Bruno. Sa relation avec la jeune marocaine est-elle cause de la rupture de leur relation, ou bien est-ce plus idéologique encore ?

Si ses parents sont avides de fortune, Bruno était un jeune homme assez cultivé. Il le devait à M.Arouet, un professeur de français qui l’initia à la lecture d’ouvrages édifiants sur la tolérance. Installés chez la belle quadragénaire Marina, tendre amie de Boistôt, au caractère aimable mais affirmé, le trio d’enquêteurs persévère pour trouver les clés – en partie littéraires – de cette affaire…

Robert Reumont : Le Ventoux pour témoin (Pavillon Noir, 2017)

— Un jour, j’ai demandé à Bruno s’il avait honte de me présenter à ses anciens amis. Ma question l’a embarrassé. Rien qu’à son air triste, j’ai compris pourtant que ce n’était pas cela la raison. Il a réfléchi et a murmuré : "Ce serait plutôt le contraire". Il n’a jamais voulu m’en dire plus. Il a juste répété, très grave : "La dernière phrase…" Bruno, je pense l’avoir déjà dit, cultivait ces petites phrases sibyllines. Il était parfois bizarre, déroutant. Au début, il ne prétendait pas que je monte dans sa chambre, même pour prendre un CD ou un livre. Si j’insistais, il s’énervait, lui qui gardait toujours son calme et était si paisible, si aimable.

Dans la collection Pavillon Noir, la série "In Vino Veritas" de Robert Reumont se compose d’une demie-douzaine de romans. L’ensemble de ces polars met en scène un singulier trio de policiers. Pour la plupart, il s’agit de rééditions. Par exemple, “Le Ventoux pour témoin” est le titre actuel de “La ligne de malédiction”, paru naguère chez un autre éditeur plus confidentiel. Publiées aujourd’hui sous forme de série, et mieux diffusées, ces intrigues se basent sur un esprit épicurien, et mettent en valeur certains aspects du patrimoine de nos régions françaises, le vin et la gastronomie y étant évidemment présents.

Les investigations de Placide Boistôt, Wyvine et Joseph, les amènent sous le soleil de cette Provence "où il fait bon vivre", selon le slogan habituel. Tel le commissaire Roustagnou, on préfère ici la sieste et l’apéro aux contraintes professionnelles. On laisse les interrogatoires et autres recherches historiques aux collègues venus d’ailleurs. On "s’esse-prime avé l’accent chantant" de la région. Toutefois, il est utile de se souvenir que, pour une partie de la population, "le respect de l’autre" n’est pas leur vertu principale, que ceux-là ne cachent guère leur xénophobie. Même s’il ne faut pas généraliser, bien sûr.

La tonalité est à la comédie policière, comme l’indique cette description: “Wyvine en mini-jupe, mini-top, maxi-charme, moi avec mon air débonnaire et ma bouille de joyeux épicurien, nous ne formons pas un duo conforme à l’image que les gens se font de la police.” Ce qui n’interdit pas, vue la nature pacifique et ouverte des héros, de passer un message humaniste. Un polar très sympathique.