Le Mur dans la peau de Luce Marmion est un polar explosif, intelligent et simplement addictif !!!

Paris, la Ville-Lumière, ses monuments, sa riche histoire, ses musées, ses galeries d'art, ses rues célèbres, ses graffitis ...
Une personne vient frapper à la porte de Demorsy-Investigation, une agence de détectives privés.
Elle craint le pire pour sa colocataire qui n'a plus donné signe de vie, depuis une semaine ...

Même en n'ayant pas lu le premier livre de l'auteure, Le vol de Lucrèce, j'ai pris un énorme plaisir à découvrir une belle plume, finement ciselée, plein d'entrain.
La motivation du choix proposé en SP se tient en un seul mot sur la 4ème couverture : tueur en série.
Cette année, j'ai lu pléthore de livres mettant en scène ce genre d'invididu tuant plusieurs personnes dans un lap de temps plus ou moins déterminé.
A chaque fois, ma curiosité me pousse à me poser une question : comment devient-on tueur en série ? Quel est le déclic qui a fait que ? Quelle pulsion anime ces êtres hors normes, déséquilibrés, à franchir et à sauter le pas ? Quelle funeste destinée va les pousser à évoluer dans une zone de non-droit, cette frange de l'espace qui tient échapper à la compréhension et à l'acceptation du commun des mortels ?

D'entrée de jeu, l'auteure ne s'embarrasse pas de préliminaires futiles, le lecteur est pris dans un engrenage, comme dans un étau, le souffle manque, l'air est vicié, la sortie de secours est encore loin et illusoire, la vie ne tient qu'à un fil ...
Au cours de cette lecture éprouvante mais aussi combien jouissive dans sa narration, le polar dans son accent le plus exaltant, de cette forme la plus suave qui soit, on se tait et on lit d'une traite, on assiste à l'inéluctable, on est révolté devant tant de noirceur et d'ignonimie, on se demande jusqu'où l'horreur et la folie repousseront les limites de l'entendement et l'inconcevable, la stupéfaction la plus totale. Et pourtant ...

A travers une galerie hétéroclite de personnages liés à l'agence, j'ai éprouvé une empathie certaine pour le personnage principal, Adrien Magadur, un ex-flic du 36 Quai des Orfèvres.
C'est un homme entier au caractère volcanique, une âme tourmentée mais résolue, un paradoxe dans ses manières d'être, alternant des phases en totale contradiction mais toujours avec des valeurs profondément humaines. De par son vécu, les affres de son passé, inévitablement, referont surface, il est difficile de s'affranchir des lignes rouges franchies, des actes frôlant la légalité.
L'opposition entre sentiment personnels et la situation urgente dans lequel le protagoniste navigue, qui ses frasques personnelles qui juché sur sa moto, rend cette histoire addictive dans la mesure du temps, de l'heure qui tourne, inexorablement, demain n'est pas un autre jour pour les personnes disparues recherchées, la montre est un indicateur mais pas que.

Autour de Magadur, l'ensemble des acolytes évolue dans une sphère studieuse, parfois fébrile mais toujours dans cette rage et détermination de remplir le cahier des charges. Coûte que coûte.
Dans leur précédente enquête, il s'agissait de retrouver un tableau d'une valeur inestimable, le tableau de Lucrèce.
Les enquêtes privées peuvent aller de la filature d'une épouse trompée, l'espionnage industriel, litiges privés liés au voisinage ou personnels ...
Chacun a un rôle prépondérant, une matière qu'ils excellent à pratiquer, une spécialité, complémentarité et solidarité collective de tous les instants, l'intrigue est mené tambour battant, il s'agit d'une enquête de disparition inquiétante de personne, chaque seconde compte dans l'investigation, il faut mettre les bouchées doubles, ne pas compter les heures (indûment facturées au client).
Et tout en respectant le code des procédures civils afin de ne pas empiéter sur le travail des enquêteurs de la ... police (procédure pénale et commission rogatoire).

Ce qui devait s'apparenter à une simple enquête de routine va prendre des proportions à effet exponentiel, sensation forte garantie, la pression monte lentement mais sûrement, l'auteure a l'art et la manière de mener son récit, une virtuose des fausses-pistes et double intrigue pour mieux égarer les privés (et le lecteur), une lecture qui m'a appris énormement de choses et d'autres sur l'art des rues, le Street Art, ces graffeurs qui font briller certains murs ou pans entiers d'espace public, ces artistes qui donnent vie à des quartiers par des peintures, des inscriptions symboliques imprégant l'air du temps et de l'actualité, la signature, le mode opératoire est unique à chacun, souvent au mépris de la loi et de la crainte d'une descente de police.
Inutile de préciser le travail phénomènal et la maîtrise parfaite de l'auteure dans ses descriptions, les fresques imagées et stylisées de ces artistes borderline, bohèmes, en marge de la société, l'archétype du personnage sombre, attifé avec souvent une capuche sur la tête, muni de ses précieux outils de travail, un démarche particulière, une inspiration sans limite, acuité et repérage visuel des espaces libres.
Ces lieux qui dégagent une certaine personnalité à part entière, un fluide de couleurs et de mouvements, la dynamique du chaos maîtrisé, la marque indélébile, cela mitraille et revendique qui des pinceaux, qui des bombes de peinture.
Atmosphère, atmosphère ...

Toute la fièvre d'une investigation de longue haleine, avec toute sa composante limitant, dans le cadre d'une agence de détectives privées un champ d'application et surtout d'action, Le Mur dans la peau est un vrai bon polar avec tout ce qui le caractérise.
Toujours ce personnage du tueur, invariablement dans tout bon polar qui se respecte, une personnalité qui rivalise d'ingéniosité, de machiavélisme, de cruauté absolue, j'ai éprouvé un certain malaise mais aussi une compréhension grisante à l'idée qu'il peut-être moi, vous. Antinomie.

La recherche d'indices, l'extrapolation des données, la confrontation des témoignages, les ressources du tout numérique (web, méta-données, piratage informatique, logiciel d'amélioration d'images de surveillance, écoutes téléphoniques ...), le lecteur est au coeur d'une vraie enquête de terrain.
Des moyens modernes et tenchologiques flirtant souvent avec la zone rouge, le personnage principal en connaît un rayon, il fera équipe avec ...
un flic du justement fameux Quai des Orfèvres, un ex-partenaire donc qui ne sera pas de trop et afin d'améliorer, de faire progresser l'enquête.

Comme je l'ai précisé au début, le fait de n'avoir pas eu la chance de lire le premier roman initialement n'a pas été du tout gênant et destabilisant. Il ne me reste alors plus qu'à découvrir les débuts de cette agence de détectives privés touchante et humaine, Le tableau de Lucrèce.

J'ai vraiment été emballé par ce deuxième roman noir de l'auteure Luce Marmion, Un Mur dans la peau, une histoire riche en rebondissements, un rythme qui atteint son paroxysme dans ses derniers paragraphes terribles, figé tel une statue de sel, les yeux rivés sur l'égrenage et la mécanique impeccable du suspense.
Du début à la fin, un style accrocheur, addictif, inspiré qui vous donnera le goût de l'art et de l'intrigue, tortueuse à souhait.
Un livre que je recommande particulièrement pour qui veut lire un polar noir, urbain et vibrant, dans l'air du temps.

Je remercie les éditions Pavillon noir de m'avoir envoyé ce livre en SP, une belle découverte d'une auteure qui ne manquera pas de vous surprendre, vous étonner par ses intrigues etoffés, intense et une plume raffinée, stylisée, affûtée à merveille.