C'est l'expérience que vit William Carvault, ancien policier reconverti comme agent immobilier à Bourges. Faut dire que Heike, sa compagne et commissaire de police quand même, ne s'occupait plus que de leurs fils, et William n'avait pas apprécié d'être délaissé. Alors il était allé voir ailleurs si l'herbe était plus tendre comme le signale le diction qui affirme que changement de pâturage réjouit les veaux. Il s'est trouvé une petite maison en face d'un immeuble allongé comme une barre énergétique.

Tout commence à cause d'un individu guère courtois qui a frôlé la veille son véhicule, a pulvérisé son rétroviseur, sans laisser de coordonnées. Un mec normal quoi. William est abordé par Youssef, un jeune Sarrazin habitant en face de chez lui, qui lui dit qu'il a vu l'accrochage se produire et qu'avec son copain Ahmed ils ont voulu courir derrière le véhicule fautif et que tout ce qu'ils ont réussi à faire c'est de relever le numéro d'immatriculation. Un bon point pour les deux jeunes. Après avoir réglé son problème de rétroviseur, William regarde derrière lui et se rend compte qu'il est toujours amoureux d'Heike. Mais la commissaire de police n'est pas prête à partager sa couche et il n'a plus qu'à attendre que les événements se tassent.

Le lendemain, Youssef vient voir William chez lui, et après quelques palabres tournant autour du rétroviseur, il s'apprête à lui demander quelque chose lorsque Heike s'invite. L'entretien est reporté au lendemain mais ce que lui montre Heike n'est pas piqué des vers, comme dirait le poète.

Elle est en possession d'une clé USB et au visionnage de celle-ci, les cheveux se dressent sur la tête de William. L'assassinat, filmé en direct par le tueur, d'une jeune femme par strangulation à l'aide d'une corde. Le corps a été retrouvé dans une chambre appartenant à une chaîne hôtelière.

Revenons au rendez-vous de William avec Youssef dans la barre en phase de délabrement en face de sa petite maison. Youssef vit avec Djamila, et ils sont inquiets. Le frère de Djamila a disparu et il semblerait que le gamin, Mourad, soit parti pour le Djihad. Un petit film posté sur Youtube montre l'adolescent en compagnie d'un camarade enturbanné dont seuls les yeux sont apparents. Mourad porte une pancarte sur ses genoux sur laquelle est inscrit Mort aux Infidèles, tandis que son compagnon brandit un fusil d'assaut.

Alors William rencontre les parents de Mourad, dont Farid le père pratiquant mais pas intégriste, puis un imam recruteur du nom d'El Zarbi, lequel est effectivement un peu bizarre. Un accrochage oppose l'imam à Farid qui lui tend une photo représentant son gamin. William s'aperçoit qu'El Zarbi n'est pas un Arabe bon teint, mais un Européen converti maniant mal la langue de Khaled. William, assisté de son ami Roger (prononcez Rodgeur comme pour Federer mais qu'il ne faut pas prononcer Fait d'erreur, je sais c'est compliqué), piste El Zarbi, encore plus bizarre qu'il pensait et parvient à lui arracher quelques révélations. El Zarbi reconnait sur la photo l'édifice qui se dresse en arrière-plan. Il s'agit d'une centrale électrique située près de Bruxelles.

Et tandis qu'Heike poursuit l'étrangleur de jeunes femmes, William et Roger (prononcez Rodgeur...) se rendent à Bruxelles, et leur enquête n'est pas véritablement de la petite bière.

Avec un ton résolument humoristique, Luc Fori nous emmène de Bourges à Bruxelles puis retour à Bourges, pour une double enquête, qui bientôt n'en fera qu'une.

Mais cet humour, doux-amer, est tempéré, car si l'on peut rire de tout, certaines limites sont difficilement franchissables. Et dans les moments cruciaux, Luc Fori reprend un ton grave, en phase avec les situations.

Ce roman est composé d'événements qui ont réellement eu lieu, comme l'attaque de Charlie Hebdo, mais ils ne servent que de supports à une histoire plus personnelle, celle de la famille de Mourad. Et l'auteur sait faire la différence entre véritables adeptes d'une religion, et les intégristes qui sont aveuglés ou qui ne sont que des arnaqueurs et des charlatans.

Luc Fori construit son récit sur la lame du rasoir, sachant se montrer railleur, tendre, léger, décalé, humoristique ou grave, et offrant un épilogue en pied de nez à la société qui voudrait que tout soit blanc ou noir, mais jamais en demi-teinte.

Mais on vibre également aux aventures de William, et de Roger bien sûr le brave copain qui se montre un peu soupe au lait et vindicatif parfois, ainsi que des relations entre l'agent immobilier qui n'est pas immobile et de sa commissaire de police de compagne, ou ex-compagne, et de leurs relations en dents de scie. William ne se montre pas toujours à la hauteur dans sa nouvelle fonction de père, mais c'est aussi un apprentissage de la vie. Il faut savoir assumer.